Par Sylvaine Luckx le 01/06/2011

Le DMP (Dossier Médical Personnel) revient sur le devant de la
scène, après une longue absence et quelques atermoiements.
Voulu par le gouvernement, expérimenté dans des régions
pilotes, le DMP pose de manière forte le problème de la sécurité
et de la protection des données personnelles de santé. Censé
être un facilitateur de contact entre la médecine de ville, les
hôpitaux et les patients, le DMP peine encore à se faire un chemin
dans le monde médical.

Le DMP n’est pas un sujet nouveau en soi.
Simplifier, fluidifier, rendre à la fois plus
transparents, plus efficaces et plus sécurisés
les rapports entre un patient, les médecins
et les professionnels de santé en
général est une idée qui a fait son chemin.
Confronté à la baisse des dépenses publiques et à la
nécessaire rationalisation des dépenses de santé,
le premier DMP avait été voulu par Philippe Douste-
Blazy, alors ministre de la Santé, et créé par la loi
du 13 août 2004, porté dans le code de la sécurité
sociale (Cf. encadré p. 24). Il visait à simplifier l’exercice
de la médecine et le parcours du patient au sein
des unités de santé (médecins de ville, laboratoires
et hôpitaux), en délivrant une information fiable et
sécurisée attachée au patient, et en évitant la répétition
des actes médicaux précis (analyses, comptesrendus
d’hospitalisation, imagerie médicales, consultations).
Mais une mauvaise gestion de la maîtrise
d’ouvrage, le nombre des intervenants et le manque
d’enthousiasme du corps médical avait fait capoter le
projet du DMP, qui est resté un certain temps dans
les cartons du gouvernement, avant d’être repris
par Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la
Santé, en 2008, et porté dans le code de la santé publique.
Les interrogations des médecins portaient essentiellement
sur la sécurité et la confidentialité des
données du patient, ainsi que sur la rapidité d’accès
lors d’une consultation médicale, raison pour laquelle
le corps médical avait rejeté la première mouture
du DMP. Ce sont les mêmes questions qui se posent
aujourd’hui.
Un nouveau souffle sur le DMP
Le DMP a connu un nouveau départ en 2009 lors de la
création de l’ASIP Santé (Agence des Systèmes d’Information
Partagés de Santé). Le 5 janvier dernier, en présence
de Xavier Bertrand, ministre de la Santé, Michel
Gagneux, président de l’ASIP Santé avait redonné un coup
d’envoi au DMP national. « Le premier DMP avait montré
des failles dans notre processus de gouvernance. Il faut y
associer tous les acteurs, médecins, hôpitaux, et bien évidemment
patients. Si le DMP reste purement centré sur
la technique, on risque l’échec. Le DMP est au début d’un
processus ; il est appelé à s’enrichir » précisait Michel Gagneux.
Jean-Yves Robin, directeur de l’ASIP Santé, renchérissait
de son côté : « nous n’en sommes qu’aux balbutiements.
Mais en temps qu’ancien praticien, je peux vous
affirmer que l’on rêvait d’avoir un DMP depuis longtemps.
Il est essentiel dans la coordination des soins du patient.
L’année 2011 sera l’année du DMP, mais ce projet prendra
du temps. Comme tout projet informatique d’envergure, il
peut mettre plusieurs années à être mis en place », explique
Jean-Yves Robin.
Aujourd’hui, le DMP démarre à peine. Des régions pilotes,
Alsace, Picardie, Franche-Comté, Aquitaine ont déjà
travaillé sur le DMP. Il est trop tôt pour tirer les enseignements
de ces premières expérimentations, mais les acteurs concernés y semblent très favorables.
Le DMP, tel qu’il est présenté par Jean-Yves Robin et sur
le site de l’ASIP Santé, est un dossier médical informatisé
du patient, accessible sur Internet. Il contient les informations
professionnelles de santé confidentielles utiles au
suivi tout au long de la vie du patient, comme des résultats
d’analyse, des traitements, des comptes-rendus d’hospitalisation,
des antécédents médicaux et chirurgicaux...
Il n’est pas obligatoire, et seul le patient peut donner son
accord aux professionnels de santé pour la création d’un
DMP et l’inscription dans celui-ci des divers documents
touchant à la santé du patient. Sa création n’est possible
qu’avec le consentement express du patient. Les médecins
des assurances et des mutuelles, les représentants
des organismes de crédit n’y ont pas accès.
Selon l’ASIP Santé, les avantages pour le patient sont
considérables. Finis pour lui les doublons d’ordonnance
qu’il conserve chez lui, qu’il perd et qu’il réclame à nouveau
à son médecin traitant avant d’aller acheter les médicaments
dans une pharmacie qui exige une ordonnance
pour délivrer les remèdes. Finies les radiographies et les
images médicales stockées n’importe où et qui finissent
par s’abimer, terminées les analyses dont il faut conserver
les résultats. Finis aussi, pour les médecins, les dossiers
papiers où les résultats et les comptes-rendus s’empilent
les uns sur les autres, avec un risque de perte accru et un
engagement de la responsabilité médicale, tant du côté
du médecin de ville que du côté de l’hôpital.