Par Sylvaine Luckx le 29/08/2016

Mercredi dernier, le quotidien australien The Australian révélait un vol de données massif dont aurait été victime le constructeur français DCNS, via, peut-être, un de ses sous-traitants. L’ANSSI et d’autres services de l’Etat sont « mobilisés », indique l’ANSSI. Une question se pose : qui avait intérêt à faire fuiter ces documents ?
L’affaire avait fait grand bruit à la fin de la semaine dernière dans les médias australiens, anglo-saxons, et bien évidemment français. Le vol de 22000 pages de documents concernant les systèmes de sous-marins à propulsion classique Scorpène, conçus pour l’Inde, vendus en 2005 et construits par DCNS (détenu à 62% par l’Etat et 35% par Thales), a fait douter de la capacité des Français à garder une information secrète, et a par ricochet jeté le discrédit sur le constructeur français.
L'ANSSI est mobilisée
Contacté par nos soins, DCNS indique mener une « enquête approfondie » avec les autorités nationales de sécurité sur cette affaire, dont l’ANSSI, qui communique de son côté : « les services de l’Etat, dont l’ANSSI, sont mobilisés. L’agence entretient de longue date des liens étroits avec DCNS en raison de son rôle majeur au profit de la défense et la sécurité de la Nation ». Selon l’agence Reuters, les documents qui ont fuité ne seraient néanmoins pas classifiés.
« A ce stade, aucun élément ne laisse à penser que cette fuite de données soit issue d’une intrusion informatique sur le système d’information de DCNS », indique encore l’ANSSI, ce qui avait été une thèse un instant évoquée.
La construction navale, un secteur «extrêmement concurrentiel»
Il est permis aujourd’hui de s’interroger sur l’opportunité pour un média australien de révéler une telle fuite, alors qu’a été signé à la fin du mois d’avril dernier un contrat de 34 milliards d’euros par DCNS avec Canberra, pour la fourniture de douze nouveaux sous-marins de type «Shortfin Barracuda» à propulsion classique. La construction navale est un secteur « extrêmement concurrentiel », selon une source proche du dossier. De là à comprendre que tous les moyens sont bons pour discréditer ses rivaux, il n’y a qu’un pas...
Rappelons que, dans le domaine de la fourniture de sous-marins, DCNS est dans la course pour équiper les marines polonaise et norvégienne, où il est en concurrence avec les Allemands, rivaux malheureux en Australie. Sans compter les tensions dans la zone Asie, avec la Chine et le Japon sur les rangs. Bref, tous les éléments d’une « guerre économique » sans merci sont réunis… Et à ce jeu, le vol d’informations et la manipulation de l’opinion jouent un rôle majeur.